Lettre à mon église en réponse à Fabrice

Merci à vous tous et toutes : Catherine - Fabrice et M pour vos belles interventions sur le Forum-Public sur lequel je ne peux répondre ?
Tout est tellement bien exprimé ; je trouve qu'il n'y a "rien à retrancher, ni à rajouter".
Mais Dieu que cette église, ce "peuple à la nuque raide", est lente à réagir quand elle ne réagit pas à contre temps ou ne s’empêtre pas dans ces (mauvaises) réactions !
J'enrage quand même en voyant comment l'argent du denier du culte est dilapidé si inutilement alors que des paroles de compassion et non pas condescendantes auraient pu dès le départ atténuer nos angoisses devant nos peurs de parler et surtout d'être écoutés, entendus et reconnus.
Comment pourrons-nous enfin expliquer sereinement à nos parents très âgés ce que nous avons subit et comment ils ont encore "remué le couteau dans la plaie en nous intimant l'ordre de nous taire : car on ne dit pas de mal d'un prêtre." Victime et coupable à jamais, de plus en plus je m'y refuse."
Mais comme tout cela est usant, déprimant, épuisant : marre de l'injustice ! 
Mais gardons l'espoir ou l'espérance...

* Et pour celle/celui qui veut relire JOB dans le but de "se délester de sa culpabilité...", je conseille : L'Autre Dieu - La Plainte, la Menace et la Grâce - Marion Muller-Collard - Labor et Fides - ISBN 978-2-8309-1554-9

Fabrice, les questions que vous posez sont redoutables. Moi, autant que vous je m’interroge.  Une amie, il y a quelques temps m’a fait cette réflexion  que je crois parfaitement juste: « l’Eglise a beaucoup de mal à entendre la souffrance en son sein et qui vient elle-même ? ».  Ce qui me surprend, c’est que non seulement Mgr Barbarin mais une part des évêques, de prêtres et de l’opinion catholique ne puisse comprendre un tel cri d’avoir souffert autant ainsi que l’appel à ne plus mettre en danger.
Oui, vous avez raison d’être en colère à travers tout ce que vous dites  dans la manière dont les victimes de Preynat, vous avez été traités et si mal entendus. Je crois que le cardinal se discrédite lui-même au lieu et place d’une réelle compassion en apposant des signes  de gens puissants : cabinet d’avocats prestigieux et onéreux et boite de com. agressive. Je ne lui conteste pas le droit de se défendre mais il est aussi pasteur. Peut-être qu’il sauvera des meubles mais pour quel crédit auprès des plus vulnérables au sein de son église diocésaine ?
« Il faut tout un village pour violer un enfant ». J’en ai trop souffert et je continue d’en souffrir et c’est cela que je veux éradiquer de mon église : que ce soit les malades  qui n’ont plus leur place dans le ministère, que ce soit ceux qui par leur silence, leur manque de réactivité ou leur mise en danger, leur lâcheté ne secourent pas et mettent d’autres vies en danger.  A tous ceux-là, nous devons leur demander des comptes ; il en va de notre dignité !

Mon Père,
Dans cette réponse, je ne parle qu'en mon nom
Je crois à une grande communauté de destin entre une Eglise désireuse d'être au niveau que l'on attend d'elle, je dirai au niveau que nous sommes en droit d'attendre en tant que baptisé, de probité, de moralité et d’honnêteté et des laïcs comme nous le sommes désireux de justice et de dignité.
Pourquoi est-ce que cela semble si difficile à concilier ?
Pourquoi avons nous le sentiment que l'Eglise n'arrive pas à être dans la Lumière ?
Pourquoi ne peut-elle nous donner cet espoir ?
Pourquoi Mgr Barbarin va prendre un avocat, vous le dites très bien, qui "coûte cher" et qui est un franc maçon qui s'assume en général bien peu proche de l'idée de l'Eglise ?
Pourquoi Mgr Barbarin, va prendre une agence de communication spécialisée dans "les coups durs" ?
Pourquoi n'a-t-il pas été capable de nous tendre la main lorsque cela était encore possible ?
Le cas Preynat était malheureusement plus simple, c'est un prédateur sexuel, on peut le mettre dans une catégorie !
Son supérieur actuel et c'est là tout le problème, on ne sait pas...c'est presque pire !
"Il y a un temps pour tout et un moment pour toute chose sous le soleil".
Je crois que si l'Eglise ne comprend pas qu'il est temps de faire le ménage en son sein alors elle dépérira.
Il est temps de ne plus être mièvre ou tiède, mais d'être dans l'action !
Il est temps de créer enfin cette grande communauté de destin ou les prêtres pourront marcher main dans la main avec des hommes et des femmes de bonne volonté désireux de faire le bien !
Le verrons nous un jour ?
J'ai peur que non, mais si nous n'avons pas l'espoir que nous reste-t-il ?

Merci M pour ce message.

J'ai beaucoup moins de légitimité pour m'exprimer, je ne suis pas victime, encore moins prêtre, je suis juste très choquée par ces faits, même anciens, et par l'ampleur de l'omerta, en particulier de la hiérarchie catholique.

Comme vous, j'ai été choquée par cette phrase de Barbarin "la plupart des faits, grâce à Dieu, sont prescrits", que j'ai pris comme un lapsus révélateur, même s'il la retire en réponse à la question du journaliste (enfin, après un peu/pas mal d'insistance, si on visionne bien).

Comme vous je suis choquée par le choix du cabinet d'avocat.

Je suis aussi choquée par le choix du conseil en communication (soit dit en passant, que je ne trouve pas si brillant que ça).

Et puis, suis-je la seule à être choquée par la mise en place de la cellule de crise révélée par La Croix du 20/03 (http://www.la-croix.com/Religion/France/Une-Semaine-sainte-tendue-Lyon-apres-revelations-affaires-pedophilie-2016-03-20-1200747899) ?

Une cellule de crise pour "les demandes et questions de paroissiens ou de toute autre personne troublée par le sujet" ; "et pour ceux qui sont en responsabilité dans le diocèse, une cellule d'écoute composée de psychologue a été mise en place" !

Honnêtement, les bras m'en tombent, alors je n'ose imaginer la réaction des victimes. On met en place une cellule avec des psychologues pour les bons paroissiens et les prêtres choqués par la situation, mais rien pour les victimes ???? Rien, au delà, bien sûr, du discours lénifiant "ma porte vous est toujours ouverte" qui revient encore et toujours dans les propos / lettres des évêques et de leurs envoyés, mais qui ne débouche jamais sur rien, à se demander si cela ne fait pas partie d'un "système" ?

Je suis en colère contre cette hiérarchie ecclésiale qui montre si peu des valeurs chrétiennes envers les victimes.

PS : je n'ai pas trouvé l'éditorial de Fabrice auquel vous faites allusion. Ou peut on le lire ?

Sur le forum public, je veux répondre avec soutien à l’appel  lancé par Fabrice dans son édito de samedi. Ce n’est pas simple car je suis prêtre mais aussi dans un autre contexte que celui de Lyon, victime aussi de cette brutalité.

J’aimerais dire à mon Eglise qu’elle pose de véritables gestes d’humanité vis-à-vis de tous ceux et celles qui ont souffert de telles tragédies et qu’elle soit vraiment défenseuse de la vie comme elle s’en réclame en évitant de tels drames et en protégeant, en particulier les plus vulnérables. Sincèrement, je pense qu’elle n’a pas été assez loin dans ce qu’elle montre aujourd’hui.

Il y a une image qui me trotte en tête, c’est celle de l’homme à terre dans la parabole du « bon samaritain ». Sur la route, passent des gens importants, lévites et sacerdoces mais aucun ne s’arrête ; seul, un étranger vient au secours de l’homme à terre et il va jusqu’au bout de sa compassion. Dans mon histoire et comme dans tant d’autres, il n’y a pas eu de bon samaritain ; seulement, des gens qui passaient sur la route et c’est comme cela que je saisis le rôle des représentants de l’institution qui ne m’ont pas secouru. C’est une expérience terrible à vivre à 8 ans et demi après avoir subi les crimes d’un autre homme d’Eglise. J’attends de mon église, non seulement pour moi mais pour tous ceux et celles confrontés aux mêmes drames, des gestes de grande humanité mais pour cela, il faut de l’écoute, de la délicatesse, de la patience et aussi une reconnaissance du mal qui a été fait : que l’église prenne là, la part qui lui est dû et le reconnaisse pleinement.

De la part du cardinal Barbarin et d’un certain nombre de ses confrères, je ne suis pas sûr qu’ils soient capables de le comprendre.  Il y a des signes envoyés qui disent tout le contraire : plus qu’un lapsus, cette phrase « la majorité des faits, grâce à Dieu sont prescrits » révèle un état d’esprit ; malheureusement, la souffrance reste à vie. Et puis il a envoyé un autre signe qui  me choque profondément lorsque je pense à toutes les victimes qui n’ont pas les moyens suffisants  pour se faire soigner car dans bien des cas, le coût est trop  onéreux. Ce qui me choque énormément, c’est  le choix du cabinet d’avocats  opéré par le cardinal : drôle de signes envoyés aux victimes dans une année de la miséricorde, ce sont des moyens de gens puissants.  (Même si ce n’est  peut-être pas au coût réel, combien sont-elles en capacité de se l’offrir   même si ce n’est  que par relation). Pour moi, peu importe que le cardinal démissionne ou pas, ce n’est pas mon problème mais ce qui m’importe, c’est que de véritables prises de conscience s’opèrent et je crains que ce ne soit encore compliqué. Sinon, il y aura des pardons qui sonneront comme faux pour un bon nombre de victimes.

J’aimerais dire à mon Eglise que ce qui a été trahi, c’est la confiance. Confiance possède la même racine que foi. En atteignant l’intime, c’est la dimension spirituelle qui a été aussi abîmée.  Les paroles mensongères  qui peuvent être dites par la suite, ne font qu’aggraver cette atteinte. En ce domaine, l’Eglise a un poids moral énorme ; elle doit agir avec délicatesse, patience et une grande compréhension et accepter de faire des chemins d’accompagnement parfois sur une longue durée.

Comme prêtre ayant vécu une telle tragédie, cela me donne une responsabilité : celle de refuser plus que tout autre de me taire et en même temps beaucoup d’humilité : me remettre aussi en cause car  en tout domaine, parfois, en voulant défendre le bien de tous, et, c’est  parfois nécessaire, on peut léser des personnes avec leur situation singulière ; cela demande dialogue et accueil. Je ne suis pas toujours sûr d’y réussir. Dans ces cas-là, oser demander pardon lorsque l’on blesse.

Enfin, Fabrice s’adresse à messieurs les cardinaux, évêques et prêtres, j’ai envie d’élargir bien plus à tous les baptisés et hommes de bonne volonté car le changement d’esprit , c’est l’affaire de tout un peuple et c’est comme cela que je conçois l’Eglise. Dans Spotlight, il y a ces mots : « « S’il faut tout un village pour élever un enfant, il faut aussi tout un village pour qu’on puisse les violer »»,  terribles paroles empreintes de vérité, soyons nombreux pour les démentir« soyons tout un village pour reconstruire et qu’ainsi,  cela ne se reproduise plus » !